Le numérique vu par les deux candidats du second tour de la Présidentielle

Le candidat d’En Marche! présente un programme relativement complet, dans lequel le numérique occupe une place transversale. Par contre le numérique est clairement la dernière roue du carrosse dans le programme de Marine Le Pen, qui n’y consacre qu’une dizaine de propositions sur 144.

Vision globale

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Trois grandes priorités :

  1. amplifier la dynamique de l’innovation,
  2. réformer le fonctionnement de l’État et
  3. utiliser le digital dans tous les pans de l’action publique.

Emmanuel Macron mise aussi sur l’Europe, notamment en ce qui concerne le financement de l’innovation et pour les enjeux de régulation des grandes plateformes numériques.

Ses propositions – certaines ne modifient que très légèrement l’existant à l’image de la création d’un secrétariat d’Etat dédié aux mutations économiques- se concentrent sur

  • la protection des données,
  • le financement de l’innovation et
  • la culture.

Financement de l’innovation

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Actionner le levier européen, avec la création d’un Fonds européen de financement en capital-risque doté de 5 milliards d’euros pour les startups, chargé de repérer et de financer les futures licornes.

E. Macron estime que « stabilité et visibilité » en matière fiscale sont les principales conditions de l’innovation. L’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) sera remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (ISFI). Un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sera appliqué aux revenus du capital mobilier (intérêts, dividendes, plus-values mobilières…).

Quant aux dispositifs existants d’aide à l’innovation (CIR, Crédit impôt innovation, dispositif Jeune Entreprises Innovantes) ils seront « sanctuarisés ». Le rôle de Bpifrance sera renforcé pour faciliter la transformation numérique des PME et des TPE.

Usine du futur : création un Fonds pour l’industrie et l’innovation de 10 milliards d’euros, financé par la vente d’actions dans des entreprises possédées de manière minoritaire par l’État.

Création d’un droit à l’expérimentation pour faciliter le test de nouvelles solutions en permettant aux entreprises de déroger provisoirement aux dispositions en vigueur.

Recentrer le Crédit impôt recherche (CIR) vers les PME et les startups et diriger une part de l’assurance-vie (2%) vers le capital-risque et les startups.

Le budget public de la recherche sera augmenté de 30% pour représenter 1% du PIB.

M. Le Pen compte aussi « inciter les grands groupes à créer leur propre fonds d’investissement dans les entreprises innovantes »… en oubliant que c’est déjà le cas pour une partie d’entre eux.

Par ailleurs, la candidate entend « fixer l’innovation en France » : une entreprise qui reçoit des aides publiques ne pourra pas se vendre à une société étrangère pendant dix ans.

Impôt et régulation des géants du Net

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Imposer une taxe européenne sur le chiffre d’affaires réalisé par les multinationales en Europe.

Création d’une Agence européenne pour la confiance numérique, chargée de réguler les grandes plateformes numériques fin d’assurer le respect d’une concurrence équitable et la protection des droits des utilisateurs.

Voulant sortir la France de l’Union européenne, elle ne compte pas s’appuyer sur Bruxelles pour quoi que ce soit. La question de la fiscalité des multinationales comme Google, Apple, Facebook Amazon (les fameux GAFA) et consorts se règlera donc en France, via une refonte de la TVA et la création d’une taxe sur l’activité des grands groupes en France.

Vie privée

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Les logiciels libres jouent un rôle essentiel dans la future stratégie globale d’achat numérique de l’Etat qui reste à définir.

Pour protéger les données personnelles, il compte s’appuyer sur la législation européenne et renégocier l’accord Privacy Shield qui entrera en application en 2018 et qui sera extrêmement difficile à reprendre.

Obliger les entreprises, même étrangères, à stocker les données de leurs utilisateurs français en France.

Résolument anti-GAFA, elle ne veut pas que l’Etat utilise des logiciels appartenant aux géants étrangers, notamment dans la défense et l’éducation. Elle promeut donc le logiciel libre et mettra fin à l’accord liant Microsoft à l’Education nationale.

Une « charte à valeur constitutionnelle », incluant la protection des données personnelles, sera votée.

Cybersécurité et chiffrement

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Il promeut une mission d’évaluation parlementaire sur la loi Renseignement, votée en 2015. Dans son programme, le candidat soutient officiellement le chiffrement, qu’il veut même généraliser auprès des PME et TPE. Mais il a récemment indiqué qu’il compte prendre, dès l’été, une « initiative majeure et coordonnée » au niveau européen et avec l’OTAN, pour imposer système de réquisition légale aux entreprises pratiquant le chiffrement de bout en bout, telles Apple ou Facebook sur Messenger et WhatsApp. La lutte contre le terrorisme doit passer par d’autres méthodes que le chiffrement, indispensable pour « l’expression de la liberté de chacun ». Par conséquent, elle est aussi contre la « surveillance de masse », surtout avec des logiciels américains liés à la CIA comme Palantir, qui a signé un contrat avec la DGSI. Elle préfère développer le renseignement pénitentiaire et réorganiser les services de renseignement.

E-administration

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Macron pour un Etat 100% numérique

Partant du principe que le numérique est un levier pour simplifier les services de l’Etat et faire des économies de fonctionnement, E. Macron s’engage à investir 10 milliards d’euros, issus de son plan d’investissements de 50 milliards d’euros, pour redéfinir l’action publique, afin de réaliser en 2022 100% des démarches en ligne.

Développer une véritable stratégie d’inclusion numérique, avec la création d’une plateforme collaborative pour les handicapés (accès aux diplômes facilité, partage des bonnes pratiques locales), d’un réseau d’accompagnement numérique sur tout le territoire pour les populations les plus fragiles.

hors de question de tout dématérialiser

Elle « n’oublie pas » les déconnectés, notamment les personnes âgées et les habitants des zones les plus rurales, et valorise le « contact humain avec les citoyens ». Elle ne veut donc pas « tout dématérialiser » mais reste floue sur une éventuelle dématérialisation partielle.

Open data

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Une priorité pour E. Macron, qui veut créer une banque de données numériques réutilisables. Il veut aussi mettre en place un « service public numérique de la justice » pour les citoyens et leurs avocats, ainsi que des outils numériques d’aide à la décision pour les juges. Marine Le Pen ne propose rien sur ce sujet.

Culture

Emmanuel Macron Marine Le Pen
Emergence d’un « Netflix européen ». Il veut soumettre les plateformes de vidéo à la demande à un quota de 50% de diffusion d’œuvres européennes.

Favorable au maintien de la Hadopi, l’autorité critiquée de lutte contre le piratage.

Mise en place d’un Pass Culture d’une valeur de 500 euros, destiné à tous les jeunes à partir de 18 ans pour leur permettre d’accéder aux activités culturelles de leur choix via une application. Ce Pass sera financé par les distributeurs et les grandes plateformes numériques.

Supprimer Hadopi pour lancer « une grande réforme du droit d’auteur » autour du concept de « licence globale », pour permettre une plus juste rémunération des artistes et une meilleure répartition des revenus.

Leurs rares points communs : très haut débit, e-santé

Tous deux veulent poursuivre le Plan France Très Haut Débit lancé par François Hollande, pour couvrir en fibre l’ensemble du territoire d’ici à 2022. Ils souhaitent également favoriser le développement de la télémédecine et stimuler l’innovation dans la santé grâce aux startups.

Ce comparatif s’inspire d’un article de Sylvain Rolland paru dans La Tribune le 25 avril : Présidentielle 2017 : Macron et Le Pen, deux visions opposées des enjeux numériques

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