Focus sur les tarifications des offres de Conseil Cloud

jacquierAntoine Jacquier
Nuageo

Introduction

Dans son dernier Livre Blanc, la Commission Conseils d’Eurocloud avait identifié dans ses conclusions qu’une réflexion devait s’engager sur le modèle de tarification et de services proposé par les cabinets de conseil, en particulier avec l’émergence des solutions de type Cloud Computing. En effet, les technologies et les usages ont connu de grands bouleversements, et il s’agit d’identifier si le modèle actuel est encore valide pour adresser les attentes de nos clients.

Pour répondre à ces interrogations, la Commission Conseils a mené une Grande Enquête auprès de plus de 50 cabinets afin de comprendre si ces enjeux ont un impact dans la conduite de l’activité, et le cas échéant comment les cabinets se sont adaptés. En parallèle, des entretiens qualifiés auprès de DSI ont été menés afin de comprendre quelles sont les nouvelles attentes des clients. Au sein de la commission, une réflexion s’est alors engagée pour comprendre quelles sont les limites du modèle actuel, mais aussi comment accompagner de façon pertinente nos clients dans leurs projets Cloud.

Constat autour du TJM

Historiquement, les missions de conseil se structurent autour du taux journalier moyen, le fameux TJM. Ce métrique de facturation, lié aux prestations en régie ou au forfait, s’est rapidement imposé auprès des cabinets et des clients comme une unité d’oeuvre très commode pour mesurer la durée et la complexité d’un projet.

Le TJM est aussi un indicateur qui est très adapté à la logique des grands projets SI d’entreprises : des projets longs, coûteux, complexes et à plein temps mais dont la fin est rarement prévisible. En comparaison de ces projets, les clauses financières des contrats basées sur le TJM permettent une lecture et une compréhension plus aisées par les parties engagées.

Cependant, le contexte économique évolue, et les problématiques IT aussi : les métiers expriment des besoins nouveaux, le pilotage des activités se fait selon des logiques d’efficacité et de rentabilité. A ce titre, le TJM est-il toujours l’unité de référence pour les missions de conseil ?

Le dernier livre blanc avait déjà dessiné les contours d’un marché en évolution, en particulier vers des besoins clients de plus en plus exprimés en termes de projet itératif qui s’inscrit dans un plan continu d’évolution, avec une gestion fine des jalons et des livrables, ainsi qu’un périmètre d’intervention réduit.

Cette expression des besoins, fondamentalement différente des projets longs et à durée indéterminée, implique l’émergence d’une nouvelle forme de conseil à laquelle les cabinets se sont déjà en partie adaptés.

Au niveau des clients, le critère de « valeur perçue » est devenu déterminante lors du choix d’un cabinet : au lieu de révolutionner tous les 5 ans, DSI et métiers préfèrent évoluer en continu. Les logiques de ROI, mais surtout de besoins en évolution, dictent de nouvelles règles pour un marché dont les cycles deviennent plus courts, avec des choix technologiques moins engageants. Cela est rendu possible grâce au Cloud Computing, qui permet de privilégier la flexibilité et la création de valeur au gré des évolutions des usages et des technologies.

La problématique devient donc la suivante : comment qualifier et quantifier cette nouvelle façon de recourir au conseil ? Si les cabinets ont entamé leur transformation vers un mode de fonctionnement projet, faut-il poursuivre cette transformation par une adaptation du modèle tarifaire ?

Sur le terrain

Afin de vérifier nos observations décrites dans le livre blanc, la commission a souhaité vérifier sur le terrain si ces changements étaient une réalité. Pour cela, nous sommes basés sur les résultats de l’enquête envoyée aux cabinets de conseil et sur des entretiens que nous avons réalisés auprès de clients consommateurs de Cloud.

Les résultats de l’enquête montrent que la question de l’adaptation du modèle de tarification auprès des clients est une préoccupation réelle. Cependant, dans les faits, on constate que le TJM résiste et reste la référence pour plus de 80% des entreprises. D’autant plus que les grands cabinets se sont outillés pour fournir des chiffrages en s’appuyant sur le TJM. Le plus intéressant à noter est que près de 20% des cabinets interrogés ont modifié ou adapté leur mode de facturation; cependant il est encore trop tôt pour juger de la pertinence de ces choix et d’évaluer leur rentabilité économique.

Certains proposent des gammes de services que le client sélectionne en fonction de ses besoins, comme des options autour d’un produit standard. Les services choisis sont ensuite facturés au forfait au client.

D’autres proposent un service d’accompagnement continu dont le coût est défini à la conclusion du contrat en fonction du périmètre d’action des consultants et qui est facturé chaque mois au client. On voit ici apparaître le Graal du cabinet de conseil qui est la récurrence; pour autant, cela peut se traduire opérationnellement par un nombre de jours par mois de présence des consultants et nous retrouvons alors le modèle traditionnel du taux journalier et de la régie facturée mensuellement.

On constate aussi une tendance où des cabinets de conseil ajoutent de l’intégration de solution Cloud qu’ils maîtrisent et proposent ainsi un forfait couplant les deux activités liant étroitement la notion d’assistance à maîtrise d’ouvrage et la mise en oeuvre de solutions.

Enfin, la volonté de facturer la valeur perçue, notion proche du ROI pour les clients, est tentante pour les cabinets. Cependant, la complexité pour mettre en place cette facturation freine les efforts des cabinets, qui perçoivent un risque très important pour un gain difficile à évaluer

Suite à nos rencontres avec des acteurs des secteurs public et privé, nous constatons que les attentes sont proches; cependant il ne sera pas possible de les faire converger rapidement vers un mode de tarification commun. En effet, dans le secteur public et chez les grands comptes, les pratiques en place sont difficiles à faire évoluer.

Dans le secteur public où l’Etat est très engagé (par exemple les ministères) et chez les grands comptes, nous rencontrons beaucoup d’inertie et des processus d’achat très encadré où les codes de prestations de services sont régis par le TJM.

Dans les structures publiques décentralisées où la participation de l’état se réduit (par exemple les universités) et dans les PME/ETI nous retrouvons des processus d’achat simplifiés et un pilotage des investissements par des logiques de ROI et d’efficacité. Le souhait est de payer le prix juste et non plus un nombre de jours de présence des consultants.

Avec ces retours terrain, nous constatons que l’offre de service de conseil et les attentes des clients ne sont pas encore totalement en phase.

Vers un nouveau modèle économique pour le conseil ?

Face à ce constat, une question se pose : “Quel modèle économique doit être épousé par les acteurs du conseil afin de répondre aux nouveaux besoins et attentes de leurs clients, Grands Comptes comme PME?”

Pour les Grands Comptes, il s’agit généralement d’une recherche d’agilité pour s’adapter à des marchés devenus très compétitifs et volatiles. Il s’agit d’identifier les solutions techniques qui leur permettront de surmonter leur organisation complexe et leurs choix technologiques antérieurs qui les freinent dans leurs initiatives. Ces clients sont à la recherche de solutions métiers spécifiques qui leur permettent d’un côté d’augmenter leur visibilité et la couverture de marché, et de l’autre de réduire leurs délais, leurs coûts, et d’atteindre une meilleure efficacité opérationnelle.

Les PME quant à elles sont à la recherche d’efficacité et de résultats. Considérant leur taille et leurs enjeux, il s’agit avant tout d’améliorer leur efficacité sur le terrain par le choix de solutions technologiques particulières. Mais cette recherche d’efficacité ne se fait pas à n’importe quel coût : il s’agit aussi de choisir le ratio coût/performance le plus pertinent à leur problématique, afin de garantir une maîtrise des investissements dans l’activité. Pour cela un critère essentiel est le choix d’un partenaire capable de créer une relation de confiance, tant dans le conseil que du coté de la solution technique, pour l’aider à atteindre ses objectifs.

L’enjeu budgétaire est cependant commun aux deux acteurs identifiés précédemment : le critère d’efficacité de l’investissement est particulièrement important, spécialement dans un contexte économique tendu, tiré en partie par une recherche de rentabilité qui limite les capacités d’investissement. En conséquence, les directions achat en sont renforcées comme les garantes des fournisseurs présentant les meilleurs tarifs, ce qui rend parfois l’achat de prestations de service laborieux.

Un mode de facturation des prestations à repenser ?

Les attentes de nos clients ont largement évolué, faisant eux-mêmes face à de nouveaux impératifs. Pour les accompagner, les cabinets de conseil ont entamé une transformation. Pour autant, il convient de poursuivre ce mouvement, car les besoins des clients sont en constante évolution et les solutions actuelles ne semblent pas les adresser de manière totalement satisfaisante.

De plus en plus, les clients témoignent d’une nouvelle façon de procéder en se structurant autour de processus projets basés sur les concepts de l’agilité, qui leur permettent d’identifier plus facilement la valeur qu’ils attendent de leurs partenaires.

En conséquence, il s’agit d’accompagner nos clients en proposant une structure tarifaire plus appropriée à l’évolution de leurs attentes, qui s’accompagne d’un modèle de conseil adapté.

Des modèles alternatifs ont été identifiés. Par exemple, les prestations au forfait incarnent une des solutions pour pallier les limites du modèle TJM, et se focalisent sur une approche par livrable et sur une prestation temporaire cadrée.

En anticipant, une suite logique de la prestation au forfait pourrait être un modèle inspiré du fonctionnement du Cloud Computing. Ainsi le client, une fois ses objectifs clairement identifiés, demanderait des prestations ponctuelles à un cabinet de conseil, qui fournirait un service à la demande adapté au contexte. La prestation ne serait donc plus liée à un projet uniquement mais à une étape, un jalon, constituant le projet, son étude, ou sa maintenance.

Une autre suite logique potentielle serait de facturer le client non plus selon la prestation fournie, mais à la mesure du résultat obtenu selon des métriques propres au contexte client, définis en début de prestation. Un des enjeux principaux est alors de formaliser, lors de la conclusion du contrat, l’ensemble des objectifs à atteindre et des métriques associés, qui serviront alors de base pour l’accomplissement du projet et de ses itérations ultérieures. De plus cela permet d’identifier de manière pragmatique et indéniable, les axes d’améliorations qui légitiment la pertinence du projet. Ce nouveau paradigme se base sur deux piliers : une relation client/fournisseur de confiance, et des étapes itératives dans la réalisation.

Pour autant, avant d’atteindre une telle vision, le marché doit se développer et acquérir une certaine maturité. Il implique aussi de nouvelles modalités d’organisation de la part des cabinets, des clients, ainsi qu’un cadre réglementaire adapté.

Conclusion

A l’heure où les projets IT se transforment, et où les clients sautent plus facilement le pas vers des projets itératifs qui leur permettent d’adopter des solutions innovantes tirant profit des avantages du Cloud Computing, les manières de fournir des prestations de conseil sont de plus en plus remises en question. Une des explications de cette “crise” se trouve dans l’inadéquation entre l’unité de référence de facturation des services, le TJM, et les enjeux clients. En effet, ces derniers cherchent de plus en plus à avoir une maîtrise et une gestion fines de leurs projets, et attendent des métriques leur permettant de satisfaire cette exigence.

Pour les cabinets de conseil, des opportunités existent : l’émergence des solutions Cloud montre que de nouveaux modèles économiques sont possibles en dehors des accords de licence ad vitam aeternam qui semblent s’être depuis répandus au monde du conseil avec des consultants à disposition de leurs clients sur de longues périodes de temps, à un taux prédéfinis, sans tenir compte dans la démarche de facturation de la performance ou de la tâche à effectuer.

La route à parcourir avant d’identifier la prochaine unité d’oeuvre de référence reste longue pour autant des pistes ont été identifiées par certains acteurs, avec des propositions de valeur innovantes et différenciantes qui pourraient signer le renouveaux du TJM, et plus globalement des moyens de délivrer des prestations de service.

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