Qui êtes-vous, monsieur le Cloud Broker ?

kalfon2Jean-Pierre Laisné
Président de CloudOrbit

Avec l’émergence du cloud computing, les acteurs traditionnels de l’IT, les intégrateurs systèmes, les consultants, les info-gérants voire les DSI, se découvrent aujourd’hui une vocation de cloud brokers ou de courtiers de services cloud. Serait-ce un de ces nouveaux buzz word dont l’industrie a le secret ?

Des pommes, des poires et des clouds

Un service cloud est un actif échangeable qui s’utilise à la demande, dont la consommation est mesurable et se paie à l’usage. Son échange fait l’objet d’une contractualisation par le client soit directement auprès du fournisseur, soit auprès d’un intermédiaire, le courtier. Comment se justifie la présence de ce dernier ? Essentiellement par la complexité de l’offre de services cloud. Cette complexité résulte de l’hétérogénéité des offres des différents fournisseurs. Alors que le cloud ouvre la perspective d’une informatique supposée simple à utiliser et à acquérir, les entreprises se retrouvent perplexes quand elles doivent faire un choix face à une offre pléthorique et non standardisée. Il est en effet difficile de comparer les offres d’Amazon à celles de Google ou de Microsoft pour ne citer qu’eux.

Le courtage de nuages

Gartner définit le courtage de services cloud (Cloud Services Brokerage – CSB) à la fois comme un rôle IT et un modèle d’affaires par lequel une société ou une autre entité ajoute de la valeur à un ou plusieurs services cloud (publiques ou privés) à la demande d’un ou plusieurs consommateurs de ce ou ces services. Cette valeur ajoutée est obtenue soit par l’agrégation de services, leur intégration, leur personnalisation ou encore l’arbitrage entre différents services (notion ajoutée par le NIST), soit par une combinaison de plusieurs de ces fonctions. Un facilitateur de courtage (CSB enabler) fournit une technologie permettant d’implémenter le courtage. Quant au courtier (CSB provider ou Cloud Broker), il offre une combinaison de technologies, de ressources et de méthodologies pour implémenter et gérer les projets de courtage. Voilà pour la théorie, quid de la pratique ?

Un puzzle en 3 dimensions

La difficulté du passage de la théorie à la pratique est liée à la nature protéiforme du courtage. Le courtage est à l’interconnexion de la transformation de tous les métiers, transformation induite par le cloud computing, du fournisseur de hardware au vendeur de logiciels en passant par les grossistes, les SSIIs et autres managed services. Cette intermédiation entre consommateurs et producteurs représente un marché mondial de « de $ 1,57 milliards en 2013 à 10,5 milliards de dollars en 2018» selon les chiffres de Markets&Markets : Le courtage est donc un marché mais c’est aussi un métier qui aujourd’hui est diversement exercé. Un courtier peut être une petite structure qui gère administrativement des contrats pour le compte de ces clients. Il peut être aussi une grande DSI désireuse de maîtriser la fourniture de services cloud à l’ensemble de ses utilisateurs internes.

Finalement le métier de courtier s’appuie aussi sur un certain nombre de technologies visant à l’automatisation des processus et leur intégration dans les SI existants. Là encore chacun voit midi à sa porte entre vendeurs de Cloud Management Platform, d’outillage DevOps et de CSB enablers.

Le moins que l’on puisse dire est qu’à l’heure actuelle, cet ensemble « marché, technologie et métier », est un puzzle en 3D extrêmement morcelé. Tentons de définir de façon pragmatique les caractéristiques des activités de courtages.

L’engagement vis à vis des clients avant toute chose

En fournissant au consommateur une interface, un intermédiaire et/ou un processus, le courtier permet à ses clients de faire abstraction de la complexité commerciale, fonctionnelle et technique des offres afin qu’ils se concentrent sur la définition de leurs besoins. Le courtier joue un rôle de conseil en guidant son client dans ses choix. Ensemble ils définissent une stratégie de migration, une architecture, font le design des services. Les contraintes de gouvernance en termes de gestion des services et de sécurité, les performances attendues ainsi que les contraintes budgétaires, sont prises en compte. Le courtier est alors en mesure de mettre à disposition de son client une liste de fournisseurs susceptibles de convenir à ces besoins.

Insistons sur le fait que le courtier est indépendant vis-à-vis des fournisseurs. Cette remarque est importante car elle souligne que la position du courtier se situe du côté de la demande et non du côté de l’offre. Sa mission est de protéger les intérêts de son client en gérant tout conflit d’intérêt risquant de biaiser ses choix. D’autant que son rôle ne se cantonne pas à celui de consultant ou de conseil. En tant que courtier, il agit pour le compte de ses clients et par conséquent, en cas de problème, il engage sa responsabilité professionnelle.

La maîtrise de tous les aspects du cycle de vie

Le courtier ne peut justifier le surcoût de sa prestation que par la valeur ajoutée qu’il apportera aux services de base des fournisseurs. Il doit prouver qu’il est le partenaire stratégique de son client qui lui permettra de bénéficier des avantages des services cloud pour améliorer ses métiers, maximiser les marges tout en diminuant les coûts et en augmentant les capacités opérationnelles.

Après avoir défini les services et l’ensemble des fournisseurs possibles, après avoir établi les relations contractuelles adéquates, un véritable courtier prendra aussi en charge les aspects techniques du courtage en mettant à disposition de ses clients les services définis de manière simple et automatisée sous forme de catalogues de services disponibles en mode self-service. Le provisionnement automatisé des services cloud fournit une garantie de qualité, de reproductibilité et de gain de productivité.

L’objectif doit être, non pas de créer une nouvelle couche de contraintes mais au contraire, de fluidifier la consommation de services cloud aussi bien du point de vue gestion c’est à dire de l’acquisition du service jusqu’à son règlement, que du point de vue technique, du provisionnement jusqu’au billing en passant par le support et le monitoring de l’ensemble des services.

La maîtrise du cycle de vie d’un service grâce à des méthodologies, des processus mis en place et des outils adaptés, permettent de garantir une évolution qualitative et quantitative des services offerts aux entreprises clientes.

Le courtier est le monsieur Plus du cloud

Sur la base de l’expérience issue des opérations de courtage, nous pourrons modéliser non seulement les architectures idoines mais aussi les coûts de ces services clouds (en y incluant les coûts cachés), qu’ils soient d’origine publique ou privée. Nous pourrons déterminer leur ROI pour chaque ligne de business concernée. Plus encore nous pourrons faire des projections budgétaires de consommation de services en fonction des projets et veiller au respect de ces budgets en temps réel. En cas de modifications de tarifs, nous pourrons aussi évaluer les gains qu’occasionnerait un changement de fournisseur.

C’est ici précisément que résident le véritable savoir-faire du courtier et la valeur de son expertise en matière de modélisation et d’automatisation. Non seulement doit-il faciliter le travail quotidien de ses clients mais aussi celui de demain. Or si les processus et les techniques ne sont pas mis en place afin de permettre l’interopérabilité, la portabilité et la réversibilité, les gains acquis hier partiront en fumée dans les coûts de migration de demain.
Prenons l’exemple de l’automatisation d’un service : plus les processus sont automatisés, plus le coût de production diminue, plus rapide est la satisfaction du besoin et plus grande est la marge tant pour le client dont l’activité sera plus agile, que pour le courtier dont le service sera de plus grande qualité.

Autre exemple : une diminution de 0,005 euros chez un fournisseur IaaS peut représenter sur un parc de milliers de VM, plusieurs centaines de milliers d’euros d’économies annuelles. Comment profiter de ces économies d’échelle si les traitements déployés sur le cloud ne sont pas portables, et si les outils de provisionnement, d’automatisation et de surveillance ne supportent pas l’interopérabilité, et si l’architecture des données ne supporte pas la réversibilité ? Comment déployer des systèmes nécessaires à différentes filiales dans le monde i.e. sous différentes législations, sans être capable d’utiliser les ressources de différents fournisseurs locaux conformes à ces législations ? Comment être capable de comprendre les différences techniques et économiques des différentes offres sans avoir ces questions à l’esprit ?

Un marché, une technologie, un métier mais aussi une éthique

Essayons de résumer en quelques points l’éthique d’un courtier de services cloud :

  • Il est respectueux du modèle de service du cloud c’est à dire que son modèle économique s’inscrit harmonieusement dans ce modèle.
  • Il agit pour le compte de ses clients c’est à dire qu’il défend les intérêts de ses clients et qu’il veille au respect de leurs contraintes en terme de gouvernance, de sécurité et de budget. Il agit, par conséquence, en toute transparence et s’abstrait de tout conflit d’intérêt vis à vis de l’offre. Aucune exclusivité ne le lie contractuellement à un ou plusieurs fournisseurs.
  • Il met en place de façon pérenne les méthodes, processus et outils nécessaires à atteindre les objectifs de ses clients. Il prend en compte les besoins d’évolutivité de ses clients de façon à ce qu’ils puissent envisager sereinement l’avenir c’est-à-dire qu’il permet à ces clients de bénéficier de toute évolution positive : baisse des tarifs, nouvelles offres innovantes par exemple.En simplifiant le cloud, le courtier permet aux usagers de l’informatique de se consacrer à l’essentiel c’est à dire au développement de leur business. En facilitant l’accès au cloud, il participe à la croissance globale du marché, à l’émergence de bonnes pratiques et de standards. Plus encore, il rend l’informatique invisible, vieux rêve des années 70. Celui d’un futur où la puissance numérique sera disponible sous forme d’un service universel à l’instar de l’électricité.
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